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Brevetabilité des substances connues en Europe

Header image: lab bench
mardi 5 octobre 2021
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L’article 54 de la CBE prévoit qu'une invention est considérée comme nouvelle si elle n’est pas comprise dans l'état de la technique. Conformément à cette déclaration, on pourrait donc initialement estimer qu'il n'est pas possible d'obtenir un brevet pour une substance déjà connue. Cependant, dans certaines circonstances, la substance en soi peut être connue, mais cela n’exclut pas pour autant sa brevetabilité.

Utilisation médicale de substances connues  

L'exemple le plus notoire de la brevetabilité de substances connues est celui d'une revendication concernant une première utilisation médicale ou une utilisation médicale ultérieure. Plus précisément, les Directives pour l'examen G-VI, 7.1 indiquent que lorsqu'une substance ou une composition est déjà connue, elle peut encore être brevetable en vertu de l’article 54(4) si la substance ou la composition connue n'a pas été divulguée précédemment afin d’être utilisée dans une méthode médicale. Cela signifie que, si la substance ou la composition est connue mais pas pour une utilisation destinée à un traitement médical, il est alors possible d'enregistrer une revendication générale sur cette substance ou composition pour la thérapie (c'est-à-dire, au titre de première utilisation médicale).

Par ailleurs, lorsqu'une substance ou une composition est déjà connue car elle a fait l’objet d’une « première utilisation médicale », elle peut encore être brevetable en vertu de l'article 54(5) pour toute seconde utilisation ou utilisation ultérieure dans une méthode médicale. Par exemple, si l’on a découvert pour la première fois que la substance connue est efficace contre le cancer, il est possible de revendiquer cette substance ou composition pour une utilisation dans le traitement du cancer (c'est-à-dire, en tant que seconde utilisation ou nouvelle utilisation médicale).

Utilisation spécifique d'un traitement médical connu

La décision G2/08 développe plus amplement l’idée permettant d’obtenir un brevet pour une première utilisation médicale ou une utilisation ultérieure. Il a été confirmé dans cette décision que, si l’on connaît déjà l’utilisation d’un médicament spécifique pour traiter une maladie spécifique, l'article 54(5) de la CBE n'exclut pas que ce médicament soit breveté pour être utilisé dans une « application thérapeutique inventive et nouvelle déterminée ».

Les exemples que donne l'OB d'une application thérapeutique inventive et nouvelle déterminée incluent de nouvelles posologies, de nouveaux modes ou voies d'administration et de nouvelles classes de patients. Cette liste n'est toutefois pas exhaustive et d'autres applications thérapeutiques spécifiques peuvent aussi être brevetables.

Par conséquent, si une substance connue pour une indication médicale connue s'avère particulièrement efficace lorsqu'elle est administrée selon une posologie spécifique ou sur un sous-ensemble spécifique de groupes de patients, elle peut être brevetable. Singapour semble également adopter une position similaire, dans le sens où une nouvelle posologie est en principe considérée comme brevetable.

Combinaisons spécifiques

Une autre option de revendication admissible en Europe pour une substance connue est celle d'une nouvelle combinaison spécifique ou d'une revendication de composition. Ces revendications peuvent se présenter comme une composition comprenant la substance A et la substance B, l'une ou les deux substances pouvant être connues individuellement, mais la combinaison des deux est divulguée pour la première fois. Bien entendu, pour qu'une telle combinaison soit brevetable, il faudrait qu'elle soit non seulement nouvelle mais aussi inventive. Notamment, il se peut que cette combinaison doive démontrer un effet technique ou une synergie inattendue afin de satisfaire aux exigences de l'activité inventive.

Pureté

D'une manière générale, l'OEB part du principe qu'un composé connu n'est pas rendu nouveau simplement par le fait qu'il est disponible dans un degré de pureté différent, si la pureté peut être obtenue par des moyens conventionnels. L'expression essentielle dans cet avis est « par des moyens conventionnels », la purification d'une substance connue étant généralement considérée comme une pratique courante. Toutefois, s’il est impossible d’obtenir un degré de pureté déterminé par des moyens conventionnels et qu’il faut développer de nouvelles méthodes de purification pour atteindre cette pureté, on peut alors breveter une revendication portant sur une substance connue ayant un degré de pureté spécifique.

Polymorphes

Une substance chimique peut prendre différentes formes cristallines, que l'on appelle des polymorphes. Dans l'industrie pharmaceutique, notamment, différents polymorphes peuvent présenter des propriétés physiques différentes, comme la biodisponibilité, la solubilité, l'hygroscopicité, etc. Par conséquent, pour certains médicaments, il peut n’être possible d'obtenir une approbation réglementaire que pour un seul polymorphe. La possibilité d'obtenir un brevet pour un polymorphe spécifique d'une substance connue peut donc s’avérer précieuse pour de nombreux médicaments candidats.

En Europe, il n’est pas simple d'obtenir un brevet pour un polymorphe spécifique, mais cela reste possible si l’on est en mesure de démontrer qu’il présente un avantage ou possède une propriété inattendue. Cela a été confirmé dans l'affaire T1422/12, où le polymorphe revendiqué a fait preuve d’une meilleure stabilité à l'épimérisation, ce qui s’est traduit par une meilleure activité biologique. Cette activité biologique accrue ayant été reconnue comme un effet technique inattendu, cela a permis de délivrer un brevet pour le polymorphe spécifique.

La clé de l'obtention d'un brevet pour un polymorphe spécifique semble donc dépendre de l'existence d'un avantage technique inattendu associé à ce polymorphe, qu’il aurait été impossible de prévoir.

Invention de sélection

Une invention de sélection concerne la sélection d'éléments individuels, de sous-ensembles ou de plages de valeurs qui n'ont pas été mentionnés dans l'état de la technique.

On considère qu’elle est nouvelle lorsque les éléments sélectionnés ne sont pas mentionnés sous une forme individualisée dans l’état de la technique. Par ailleurs, alors qu'une sélection à partir d'une liste unique dans un document déterminé de l’état de la technique n'est pas considérée comme conférant la nouveauté, s’il faut réaliser une sélection à partir de deux listes ou plus d'une longueur déterminée pour obtenir une combinaison spécifique de caractéristiques, on peut alors considérer qu’une telle sélection satisfait au caractère de nouveauté (principe dit « des deux listes »).

Parmi les exemples d'inventions de sélection figurent des composés chimiques individuels à partir d'une formule générique connue et des plages de valeurs de plusieurs paramètres à partir des plages de valeurs correspondantes connues. Une plage de valeurs sélectionnée à partir d'une plage numérique plus large, comprise dans l’état de la technique, est aussi considérée comme nouvelle si la plage de valeurs sélectionnée est : a) étroite par rapport à la plage de valeurs connue et b) suffisamment éloignée de tout exemple spécifique divulgué dans l’état de la technique et des points extrêmes de la plage de valeurs connue.

Une invention de sélection doit également satisfaire aux exigences de l'activité inventive, où il convient d'examiner si l'homme du métier aurait réalisé cette sélection ou aurait choisi la plage de valeurs en cas de recoupement, dans l'attente d'une amélioration ou d'un avantage. En général, il faut démontrer l’existence d’un effet technique inattendu associé à la sélection et cet effet doit s'appliquer à l'ensemble de la plage revendiquée.

Résumé

Comme exposé ci-dessus, il est possible d'explorer, y compris lorsqu’une substance est connue, de nombreuses voies afin d'obtenir une protection par brevet, que ce soit par le biais d'une nouvelle utilisation médicale, d'une nouvelle combinaison, d'une sélection non divulguée ou d'une forme de substance qui n'était pas accessible auparavant (par exemple, un polymorphe ou une substance ayant un degré élevé de pureté). Si vous souhaitez en savoir davantage sur l'une des questions abordées dans cet article, n’hésitez pas à contacter votre Mandataire chez M&C.

Prochain récit
  • Posologies : sont-elles brevetables à Singapour ?
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